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L’usage du nom patronymique après sa cession : conflit entre droit à la paternité et droit des marques

Par un arrêt du 11 septembre 2025[1], le tribunal judiciaire de Paris a tranché un conflit dans le monde de la joaillerie. Faisant suite au redressement judiciaire de la société AB Libellule, exploitant la marque Aurélie Bidermann, la créatrice de bijoux Aurélie Bidermann a cédé à la société AMS DESIGN l’ensemble de ses droits. Cela […]
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Par un arrêt du 11 septembre 2025[1], le tribunal judiciaire de Paris a tranché un conflit dans le monde de la joaillerie.

  • Faits

Faisant suite au redressement judiciaire de la société AB Libellule, exploitant la marque Aurélie Bidermann, la créatrice de bijoux Aurélie Bidermann a cédé à la société AMS DESIGN l’ensemble de ses droits. Cela incluait les droits patrimoniaux sur son nom patronymique et sur sa marque « Aurélie Bidermann » (déposée en 2013 notamment pour de la Joaillerie). La convention de cession de ses droits incluait également que la créatrice s’engageait à ne pas exploiter son nom dans le cadre de son activité professionnelle.

Cependant, plusieurs années plus tard, Madame Bidermann fondait sa société (la société 25RKB). En 2020, elle lance une collection de bijoux avec la société MASSIMO DUTTI. Bien que ces bijoux soient vendus sous la marque MASSIMO DUTTI, ils étaient présentés comme créés par « Mademoiselle Aurélie Bidermann ».

Mécontente et estimant qu’était porté atteinte à ses droits, la société cessionnaire des droits de Madame Bidermann, AMS DESIGN, l’assigne avec sa société 25RKB ainsi que la société MASSIMO DUTTI en contrefaçon de marque ainsi qu’en concurrence déloyale et parasitaire.

L’argument principal des défenderesses se fonde sur le fait que Madame Bidermann conserverait son droit moral d’auteur sur ses créations et sur son nom, qu’elle pourrait utiliser à titre de crédit, sur le fondement de son droit de paternité.

  • Décision du Tribunal judiciaire de Paris
  • Sur la contrefaçon de marque

Le Tribunal judiciaire de Paris débute son analyse en précisant que le signe litigieux correspond bien à un usage dans la vie des affaires.

La juridiction de première instance poursuit en affirmant que le signe incriminé « Mademoiselle AURELIE BIRDERMANN » est utilisé telle une marque, et non comme l’expression du droit à la paternité de la créatrice. En effet, le tribunal relève que le signe est apposé directement sur les créations, qu’il est placé à côté de la marque MASSIMO DUTTI dans une taille similaire à celle-ci ce que le tribunal traduit comme la volonté d’identifier et de garantir l’origine des produits -la fonction même d’une marque-, et que l’ajout du terme « Mademoiselle » n’a pas d’impact sur cette analyse.

Les juges effectuent ensuite un contrôle de proportionnalité des intérêts des différentes parties. Le tribunal rappelle que la recherche d’un juste équilibre entre les intérêts en présence ne saurait autoriser l’exercice de ce droit au mépris des droits du titulaire de marque et des engagements contractuels pris, notamment comme en l’espèce la marque a été cédée par celui-là.

Concernant le risque de confusion, le Tribunal judiciaire que le signe « Mademoiselle

Aurélie Bidermann » sera perçu par le public comme un signe distinct et autonome, indépendamment de la marque MASSIMO DUTTI, apposée juste à côté de celui-ci. En outre, il considère que l’ajout du terme « Mademoiselle » n’est pas de nature à écarter ce risque de confusion avec la marque AURÉLIE BIRDERMANN. 

Ainsi, le Tribunal judiciaire de Paris conclut que la contrefaçon de marque est bien caractérisée.

  • Sur la concurrence déloyale et le parasitisme

De manière classique, la société demanderesse invoquait, en plus des faits de contrefaçon, des faits de concurrence déloyale et parasitaires. En effet, cette collection de MASSIMO DUTTI imiterait les collections antérieures de la société AMS DESIGN.

S’agissant de la concurrence déloyale, le Tribunal judiciaire soutient que les bijoux en question n’étaient plus commercialisés au moment de la sortie de la collection de MASSIMO DUTTI et Madame Bidermann et que les caractéristiques des bijoux dits similaires sont en fait banales et appartiennent au fonds commun de la bijouterie. Ainsi, le tribunal écarte la qualification de concurrence déloyale.

S’agissant du parasitisme, les juges retiennent que la société AMS DESIGN apporte la preuve d’investissements relatifs au marketing et à la communication importants. La société MASSIMO DUTTI s’est alors placée dans le sillage de la société AMS DESIGN et a ainsi profité de sa notoriété. Le tribunal caractérise ainsi le parasitisme.

Cette décision rendue par le Tribunal judiciaire de Paris rappelle de manière pédagogique les limites de l’usage du nom patronymique, notamment lorsque celui-ci a été cédé au préalable. Le tribunal rappelle également la manière dont les créateurs peuvent continuer d’utiliser leur nom, c’est-à-dire en dehors de toute perspective visant à tirer profit de l’attrait commercial attaché à ce nom.


[1] https://justice.pappers.fr/decision/644f21ff1f36364ed8292d73c41972ff0a1ab8c6

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