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La loi n°2021-1104 du 22 août 2021 : Le droit d’auteur et le droit des dessins et modèles se mettent au vert grâce à la clause de réparation !

Suite aux propositions émises à l’occasion de la Convention Citoyenne pour le climat en 2019, le législateur a eu la volonté de les traduire concrètement par l’adoption de la loi n° 2021-1104 « Climat et Résilience »[1]. Parmi ces propositions, les auteurs du projet ont eu l’ambition de « verdir l’économie »[2] en œuvrant pour une production plus responsable. À […]
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Suite aux propositions émises à l’occasion de la Convention Citoyenne pour le climat en 2019, le législateur a eu la volonté de les traduire concrètement par l’adoption de la loi n° 2021-1104 « Climat et Résilience »[1]. Parmi ces propositions, les auteurs du projet ont eu l’ambition de « verdir l’économie »[2] en œuvrant pour une production plus responsable.

À priori indifférent de ces préoccupations environnementales, une partie des droits de propriété intellectuelle et industrielle a pourtant fait l’objet de modifications textuelles.

 Les auteurs du projet de loi affichaient notamment leur volonté d’inciter la réparation des véhicules automobiles et de leurs composants plutôt que l’achat de véhicules neufs. Pour parvenir à cet objectif, le législateur a procédé par son article 32 à une limitation de certaines prérogatives des titulaires de droits de propriété intellectuelle.

 Les changements apportés ont attrait à l’exercice des droits conférés aux titulaires de droits d’auteurs ainsi qu’aux titulaires d’un dessin ou un modèle (titre de propriété industrielle) portant sur les pièces automobiles visibles.

A ce jour, le principe est que les actes portant sur les pièces détachées automobiles visibles nécessitent l’accord du titulaire de ces droits dès lors que les conditions légales de protection desdites pièces sont réunies, à savoir  le caractère propre et nouveau pour un dessin ou modèle ou encore la caractérisation d’une œuvre de l’esprit originale pour le droit d’auteur.

La loi « Climat et Résilience » pose donc les nouveaux principes suivants :

Les modifications textuelles du code de la propriété intellectuelle apportées par la loi

En droit d’auteur, l’article 32. II de cette loi vient donc poser une exception en ajoutant un 12° à l’article L.122-5 du CPI (qui liste limitativement les actes que l’auteur d’une œuvre de l’esprit divulguée ne peut interdire) :  le titulaire de droit d’auteur ne peut interdire « la reproduction, l’utilisation et la commercialisation des pièces destinées à rendre leur apparence initiale à un véhicule à moteur ou à une remorque[3] ».

Désormais un acte (reproduction, utilisation, commercialisation) portant sur ces pièces visibles de rechange sans l’autorisation du constructeur du véhicule au sein duquel les pièces d’origines ont été assemblées ne pourra plus être constitutif d’un acte de contrefaçon au sens du droit d’auteur.

En droit des dessins et modèles, cette même loi vient également limiter les droits des titulaires en posant une exception supplémentaire à celles prévues par l’article L513-6 CPI (qui liste limitativement les actes que le titulaire d’un dessin et modèle enregistré ne peut interdire).

Par l’ajout d’un 4° à l’article L513-6 du CPI, le législateur a également choisi d’exclure, de manière conditionnée, l’exercice des droits exclusifs des titulaires de dessins et modèles à l’égard « d’actes visant à rendre leur apparence initiale à un véhicule à moteur (…) et qui : « a) Portent sur des pièces relatives au vitrage ; b) Ou sont réalisés par l’équipementier ayant fabriqué la pièce d’origine. » 

Ainsi, le constructeur du véhicule ne pourra désormais plus opposer son droit exclusif pour interdire la fabrication et la commercialisation des pièces à l’égard de l’équipementier ayant fabriqué la pièce d’origine ou encore à l’égard des pièces de vitrage (pare-brise, vitres).

         En outre, toujours dans une dynamique de limitation des droits de propriété intellectuelle, l’article 32 vient aussi réduire de vingt-cinq ans à dix ans la durée de protection des dessins ou des modèles portant sur les pièces visibles destinées à la réparation pour lesquelles on ne peut opposer au titulaire des droits exclusifs, l’exception évoquée plus haut par le nouvel article L513-6 du CPI.

L’insertion difficile de la clause de réparation en droit français de la propriété intellectuelle

Bien que discutées, ces modifications ont conduit à instaurer en droit français le mécanisme européen de la clause de réparation. Le législateur français avait déjà formulé la volonté d’introduire cette clause par deux projets de loi mais qui avaient été tous deux rejetés par le Conseil Constitutionnel [4].

En effet, la directive de 1998 [5]harmonisant les titres de dessins ou modèle à l’échelle nationale, avait par son article 14, laissé une marge importante aux états membres dans la transposition du mécanisme de la clause de réparation. A contrario des législateurs belges, italiens ou néerlandais, le législateur français avait décidé de ne pas transposer la disposition relative à la clause de réparation.

Le règlement européen de 2001[6] sur les dessins et modèles avait également consacré l’exception de réparation pour les titres de dessins et modèles communautaires. À l’échelle européenne, cette exception est interprétée largement en ce qu’elle vise toutes les pièces mais plus restrictivement en ce qu’elle ne doit avoir pour finalité que de restaurer l’apparence de la pièce d’origine défectueuse.[7]  

Face à une nécessité de libéraliser le marché français des pièces de rechange, le maintien des droits exclusifs sur ces pièces détachées était vivement discuté. En 2012, l’Autorité de la Concurrence préconisait la levée des droits de propriété intellectuelle à l’égard de ces pièces dans l’objectif de renforcer la concurrence des fabricants français à l’égard des concurrents européens.[8]

        Ainsi le législateur français est venu, pour répondre à des enjeux environnementaux et économiques, réduire de manière conséquente la portée de certains droits de propriété intellectuelle.  

Ces exceptions aux droits de la propriété intellectuelle devront être prises en compte dès l’entrée en vigueur de l’article 32, le 1er janvier 2023. Les changements en droit des dessins ou des modèles apportés par cette disposition seront susceptibles d’être élargis à l’occasion de la réforme de la directive 98/71/CE par le projet « Paquet Modèles » initié par la Commission européenne. [9]


[1] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

[2] Titre III chapitre premier « Verdir l’économie » de la Loi n°2021-1104

[3] Article L.110-1 C. Route 

[4] Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités  ;  Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique

[5] Directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1998 sur la protection juridique des dessins ou modèles (Transposée en droit français par l’Ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001,)

[6] Règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires

[7] CJUE, n° C-397/16, Arrêt de la Cour, Acacia Srl contre Pneusgarda Srl et Audi AG et Acacia Srl et Rolando D’Amato contre Dr. Ing. h.c.F. Porsche AG, 20 décembre 2017

[8] Enquête sur l’entretien et la réparation automobile : l’Autorité rend son avis | Autorité de la concurrence (autoritedelaconcurrence.fr)

[9] COMMISSION STAFF WORKING DOCUMENT EVALUATION of EU legislation on design protection {SWD(2020) 265 final}, 6/11/2020

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