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La déchéance de marque pour défaut d’usage sérieux confrontée aux exigences d’appréciation des catégories et sous-catégories de produits et services

Le 14 mai 2025, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu une décision rappelant que le juge saisi d’une demande en déchéance de marque pour défaut d’usage sérieux doit apprécier précisément et objectivement l’usage sérieux de celle-ci, et si les circonstances l’exigent, de procéder à une telle appréciation pour chaque sous-catégorie autonome […]
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Le 14 mai 2025, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu une décision rappelant que le juge saisi d’une demande en déchéance de marque pour défaut d’usage sérieux doit apprécier précisément et objectivement l’usage sérieux de celle-ci, et si les circonstances l’exigent, de procéder à une telle appréciation pour chaque sous-catégorie autonome des produits et services en cause.

Le 1er octobre 2020, la société Univers Pharmacie, titulaire de marques « UPskin », a présenté auprès de l’INPI, une demande en déchéance de la marque « Skin’up » enregistrée en classe 3 pour les cosmétiques notamment[1], dont est titulaire la société Skin’up.

Par une décision du 23 juillet 2021, l’INPI a reconnu la demande en déchéance partiellement justifiée et décidé du maintien de l’enregistrement de la marque « Skin’up » pour les produits « cosmétiques » et « huiles essentielles », décision contre laquelle la société Univers pharmacie a interjeté appel.

Par une décision du 30 août 2023, la cour d’appel de Colmar confirme la position de l’INPI en considérant que la société Skin’up fait un usage sérieux de sa marque « Skin’up » pour les produits « cosmétiques » et « huiles essentielles » en ce « qu’il ressort des documents produits que la marque a fait l’objet d’un usage sérieux pour les produits cosméto-textiles et la brume commercialisés par la société Skin’up, qui sont des cosmétiques dans la composition desquels entrent des huiles essentielles ».

La société Univers pharmacie, toujours insatisfaite de la décision rendue, forme alors un pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Colmar.

Pour rappel et conformément à l’article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle « Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans ». 

En premier lieu, la Cour de cassation constate que la cour d’appel a reconnu de manière erronée l’usage sérieux de la marque « Skin’up » pour les huiles essentielles en ce que « les preuves d’usage de la marque Skin’up pour commercialiser des produits cosmétiques dans la composition desquels entrent des huiles essentielles ne pouvaient en elles-mêmes valoir comme preuves d’usage de la marque pour les huiles essentielles ». Autrement dit, la société Skin’up aurait dû apporter des preuves d’usage du produit « huiles essentielles » en tant que tel et non à titre de composant d’un produit qu’elle commercialise, à savoir des produits cosméto-textiles et des brumes.

En second lieu, la Cour de cassation relève que la cour d’appel a reconnu l’usage sérieux de la marque « Skin’UP » pour les cosmétiques du fait de l’exploitation des produits cosméto-textiles et leurs recharges par la société Skin’Up, en considérant que ce sont bien des cosmétiques. Or, la Cour de cassation constate que les juges de la cour d’appel auraient dû rechercher « si les produits cosméto-textiles et leurs recharges (…) ne constituaient pas une sous-catégorie autonome au sein de la catégorie large des « cosmétiques ».

La Cour de cassation s’appuie dans son raisonnement sur la notion de « partie du produit ou service » abordée par la Cour de justice de l’Union européenne (‘CJUE’) dans son arrêt Ferrari du 22 octobre 2020[2], ayant affirmé que s’agissant « des produits ou services rassemblés au sein d’une catégorie large, susceptible d’être subdivisée en plusieurs sous-catégories autonomes, il est  nécessaire d’exiger du titulaire d’une marque enregistrée pour cette catégorie de produits et services d’apporter la preuve de l’usage sérieux de sa marque pour chacune de ces sous-catégories autonomes, à défaut de quoi il sera susceptible d’être déchu de ses droits à la marque pour les  sous-catégories autonomes pour lesquelles il n’a pas apporté une telle ». La Cour ajoute que le critère de la finalité et de la destination des produits ou des services en cause constitue le critère essentiel aux fins de qualifier une sous-catégorie autonome (de produits ou services).

Compte tenu de ces éléments, la Cour de cassation casse et annule la décision de la Cour d’appel de Colmar considérant qu’elle aurait dû rechercher « si les produits cosméto-textiles et leurs recharges, destinés à procurer un effet amincissant par le port de vêtements, qui étaient les seuls pour lesquels la société Skin’up justifiait d’un usage de sa marque au cours des cinq dernières années, ne constituaient pas une sous-catégorie autonome au sein de la catégorie large des « cosmétiques ».

L’appréciation de l’usage des marques, au regard de sous-catégories de produits et services lorsqu’un produit ou service spécifique appartient à une catégorie plus large de produit ou services n’est pas nouvelle et notamment en ce qui concerne les cosmétiques. A titre d’exemple, l’INPI n’a pas reconnu l’usage de marques pour la catégorie large « cosmétiques » car l’usage n’était établi que pour des sous-catégories, à savoir « huiles sèches pour le corps, le visage et les cheveux » et « cosmétiques pour les cheveux »[3]

Une partie de la Doctrine[4] estime que cette approche est trop restrictive, notamment en ce qui concerne les cosmétiques, considérant que « quelle que soit la nature ou la destination d’un cosmétique, ces produits peuvent être rattachés à une même origine économique ».

En tout état de cause et compte tenu de ce qui précède, cet arrêt vient rappeler une différence majeure entre deux types de situations :

  • Si une marque vise un produit ou un service appartenant à une catégorie homogène suffisamment précise et circonscrite, il est suffisant d’apporter la preuve de cet usage sérieux pour ledit produit ;

  • En revanche, si une marque vise des produits et services dont les libellés sont imprécis et non spécifiés à l’usage qui en est réellement fait, et qui peuvent donc appartenir à des sous-catégories autonomes, alors les preuves d’usage doivent être apportées pour chaque sous-catégorie appartenant à la catégorie large visée, sous peine de déchéance.

En pratique, il est conseillé à tout titulaire de marque d’exploiter sa marque pour l’ensemble des produits et services pour lesquels elle a été enregistrée et de bien conserver l’ensemble des preuves datées qui attestent de cet usage sérieux, en prévision de telles actions en déchéance.

Pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter notre infographie sur ‘La déchéance de marque pour absence d’usage sérieux »[5].


[1] Les autres produits visés en classe 3 pour lesquels la marque « Skin’up »est déchue : « ‘Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfums, lotions pour les cheveux ; dentifrices, dépilatoires ; produits de démaquillage ; rouge à lèvre ; masques de beauté ; produits de rasage ; produits pour la conservation du cuir (cirages) ; crèmes pour le cuir’. »

[2] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:62018CJ0720 N°720/18 et C-721/18

[3] INPI, 20 juill. 2023, DC 22-0143, Respirae ; INPI, 16 oct. 2023, DC 22-0178, Urban Color Keratin

[4] Marques – Un an d’actions en nullité et en déchéance devant l’INPI . – (1re partie) – Chronique par Yann Basire, Bertrand Geoffray et Olivier Thrierr

[5] #Notre infographie : La déchéance de marque pour absence d’usage sérieux – Clairmont Novus


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