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NUTELLA : il en faut de l’énergie pour contester un dépôt similaire

La puissance d’une marque de renommée est telle qu’elle permet à son titulaire d’empêcher l’enregistrement d’une marque présentant de faibles similitudes. C’est l’illustration que nous donne une décision rendue par l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO) le 25 octobre 2021, qui a considéré que la marque “Nutella” jouissait d’une forte renommée, notamment en […]
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La puissance d’une marque de renommée est telle qu’elle permet à son titulaire d’empêcher l’enregistrement d’une marque présentant de faibles similitudes. C’est l’illustration que nous donne une décision rendue par l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO) le 25 octobre 2021, qui a considéré que la marque “Nutella” jouissait d’une forte renommée, notamment en France, justifiant l’opposition contre l’enregistrement de la demande de marque semi-figurative « NUTIFELLO », malgré les faibles ressemblances entre les signes en cause.

En l’espèce, la société UAB « Granex » avait demandé l’enregistrement, le 7 février 2020, à titre de marque européenne du signe « Nutifello » pour désigner notamment certains produits de la classe 30 : « Gaufres ; Gaufrettes ; Gaufrettes comestibles ; Gaufrettes à base de flan ; Pâtisserie contenant de la crème ; viennoiserie. »

Le 15 mai 2020, Ferrero S.p.A. a formé une opposition contre la demande d’enregistrement de ce signe en invoquant ses marques Nutella, renommées sur le territoire européen (notamment en France et en Italie). Les signes en comparaison étaient les suivants :

Cette opposition était fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du Règlement sur la Marque de l’Union Européenne[1] qui offre aux titulaires de marques renommées une protection particulière, sous réserve de remplir certaines conditions cumulatives rappelées par l’EUIPO :

  • Les signes doivent être identiques ou similaires
  • La marque de l’opposante doit jouir d’une renommée antérieure au dépôt de la marque contestée et doit exister sur le territoire concerné.
  • La marque contestée doit indûment tirer profit de la renommée ou du caractère distinctif de la marque antérieure ou porter un préjudice.

Dans le cas présent, l’EUIPO a d’abord considéré sans grande surprise que la marque  jouissait d’une renommée, notamment en France. Les nombreuses preuves apportées par la demanderesse démontrent en effet une présence particulièrement longue, continue et forte sur le marché, des efforts importants de commercialisation et de publicité, des références à la notoriété de la marque Nutella.

L’EUIPO a ensuite relevé un faible degré de similitude sur le plan visuel et phonétique entre les signes (reprise des lettres « NUT-ELL », de la couleur rouge avec une lettre plus sombre), mais suffisant pour recevoir l’opposition.

Enfin, l’EUIPO examine, afin d’établir l’existence d’un risque de préjudice, la présence d’un « lien » (ou association) entre les signes en cause. Ce lien n’est pas une condition explicitement exigée par l’article 8, paragraphe 5, du RMUE (précité), mais qui résulte de plusieurs arrêts.[2]

Les facteurs pertinents aux fins de l’examen d’un tel lien incluent : l’intensité de la renommée de la marque antérieure, son caractère distinctif, la nature des produits ou des services, le risque de confusion dans l’esprit du public et le degré de similitude entre les marques en conflit

Or les signes en conflit, NUTELLA et NUTIFELLO, couvrent tous les deux des produits compris dans la classe 30, qui appartiennent au même secteur de marché des produits alimentaires et sont commercialisés par les mêmes canaux de distribution (épiceries, supermarchés…). L’opposante a démontré sa forte renommée ainsi que la similitude entre les signes. Dans ces conditions l’EUIPO estime que les consommateurs associeront probablement la demande de marque NUTIFELLO à la marque antérieure Nutella, « qu’ils établiront un lien mental entre les signes ».

Ainsi l’usage de la marque NUTIFELLO tirerait indûment profit du caractère distinctif et de la renommée de la marque NUTELLA, en bénéficiant de l’image de la marque synonyme de haute qualité. L’EUIPO a donc déclaré l’opposition fondée au sens de l’article 8 paragraphe 5 du RMUE, car il était hautement probable que la marque NUTIFELLO se place dans le sillage de la marque NUTELLA afin de pouvoir bénéficier de sa réputation.

Cette décision rejoint celle rendue par le Tribunal de l’Union Européenne en date du 5 juillet 2016 qui a confirmé que l’utilisation de la marque MACCOFFEE permettait à son titulaire de tirer indûment profit de la renommée de la marque MCDONALD’S. En effet, le Tribunal a estimé que le public pouvait associer et établir un lien entre les produits (alimentaires/boissons) sous la marque « MACCOFFEE » et les produits (alimentaires/boissons) et services offerts sous la marque MCDONALD’S. Il était, selon le TUE, « hautement probable que la marque se place dans le sillage de MCDONALD’S afin de bénéficier de son pouvoir d’attraction, de sa réputation et son prestige. »

En conséquence, les marques renommées bénéficient bien d’une protection renforcée. Même une faible similitude entre les signes opposés peut permettre de caractériser l’atteinte à une marque, il reste néanmoins nécessaire de démontrer l’existence d’un lien entre les deux marques pouvant être établi par le public, afin de justifier d’un probable préjudice pour la marque renommée.


[1] L’article 8, paragraphe 5, du Règlement sur la Marque de l’Union Européenne dispose « Sur opposition, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure, indépendamment du fait que les  produits ou services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette marque antérieure est une marque de l’Union européenne qui jouit d’une renommée dans l’Union ou une marque nationale qui jouit d’une renommée dans l’État membre concerné, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice ».

[2] CJCE, 27 nov. 2008, INTEL CORPORATION, aff. C-252/07 – CJCE, 23 octobre 2003 Adidas, aff. 408/01

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