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Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 : quels enjeux pour vos données ? 

A l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris  qui se tiendront à Paris du 26 juillet au 11 août, puis du 28 août au 8 septembre 2024, des dispositifs de sécurité (laissez-passer numérique et caméras augmentées) seront mis en œuvre. Si ces dispositifs ont pour objectif d’assurer le maintien de l’ordre public et de […]
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A l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris  qui se tiendront à Paris du 26 juillet au 11 août, puis du 28 août au 8 septembre 2024, des dispositifs de sécurité (laissez-passer numérique et caméras augmentées) seront mis en œuvre. Si ces dispositifs ont pour objectif d’assurer le maintien de l’ordre public et de garantir la sécurité publique, il n’en demeure pas moins qu’ils posent également la question du traitement de nombreuses données à caractère personnel qui seront ainsi collectées.

I. Le dispositif de laissez-passer dans les zones de sécurité

    Lors des prochains Jeux Olympiques et Paralympiques, un arrêté du 3 mai 2024[1] a prévu un dispositif particulier de laissez-passer (venant modifier l’arrêté du 2 mai 2011 relatif aux traitements automatisés de données à caractères personnel dénommés « fichier des résidents des zones de sécurité » créés à l’occasion d’un évènement majeur). Il sera ainsi nécessaire de se prémunir, pour circuler dans certains périmètres « zones de sécurité », d’un laissez-passer contenant un QR code, dit « Pass Jeux », mis en place par le préfet de Police. Deux zones de sécurité sont concernées par le laissez-passer :

    • Le périmètre gris ou SILT (« Sécurité Intérieure et la Lutte contre le Terrorisme ») institué par la loi du 30 octobre 2017[2]. Dans ce périmètre, la circulation motorisée comme piétonne fera l’objet de réglementations et de vérifications telles que des palpations de sécurité, des inspections visuelles ou encore des fouilles de bagages. Un laissez-passer sera nécessaire pour toute personne motorisée ou non souhaitant circuler dans cette zone.
    • Le périmètre rouge : La circulation piétonne, cycliste, trottinette sera autorisée, sans qu’un laissez-passer soit nécessaire. Seule la circulation routière motorisée sera interdite sauf dérogation et sous réserve de présenter un laissez-passer.

    Par ailleurs, un périmètre bleu est également établi au sein duquel les déplacements piétons, cyclistes et en trottinette sont autorisés sans justificatif. La circulation de véhicule motorisé est autorisée uniquement aux conducteurs ayant une situation qui nécessite un déplacement dans cette zone et devant être muni d’un justificatif, néanmoins aucun laissez-passer ne sera exigé.

    La délivrance d’un laissez-passer nécessitera en amont l’inscription sur une plateforme numérique, ce qui impliquera une collecte de données. Le QR code aura pour objectif, non seulement d’assurer la sécurité, mais aussi de fluidifier le contrôle des individus à l’entrée desdites zones.

    Le fichier créé à partir des données personnelles collectées se fondera sur l’arrêté du 2 mai 2011 modifié par l’arrêté du 3 mai 2024 précité. Un tel système avait déjà été mis en place à l’occasion de l’accueil du G7 en France en 2019. Le nouvel arrêté du 3 mai 2024 allonge la liste des données pouvant être collectées en y ajoutant la photographie, le justificatif d’accès, la copie de titres d’identité et la copie du certificat d’immatriculation.

    Dans sa délibération du 25 avril 2024[3], la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) porte un avis favorable sur ce dispositif, considérant que la collecte de la photographie est justifiée « au regard de l’ampleur des contrôles à mener pendant les Jeux ». Elle précise néanmoins que cette collecte de donnée ne devrait être instaurée que durant les « seuls évènements de cette ampleur ».

    Avec un tel dispositif, les organisateurs des Jeux Olympiques et Paralympiques, se tenant dans une zone de sécurité, seront destinataires de fichiers contenant des données sur des résidents titulaires de laissez-passer, en plus de fichiers contenant des données sur les visiteurs.

    A noter qu’une enquête administrative sera également menée avant d’autoriser certaines personnes (entraîneurs, arbitres, médecins, etc.…) à accéder aux établissement et installations accueillant un évènement de grande ampleur.

    En somme, les périmètres de sécurité étant spécifiques et limités dans le temps, la liberté d’aller et venir ne sera donc que limitée par ce système de laissez-passer, le temps des Jeux et dans des zones très ciblées.

    S’agissant de la conservation des données personnelles, conformément aux observations de la CNIL, les copies des titres d’identité ne seront conservées que le temps strictement nécessaire à la délivrance du titre d’accès. Les autres données collectées seront conservées pendant trois mois.

    Par ailleurs, d’autres mesures questionnant la protection des données seront en œuvre à l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques, telles que la vidéoprotection, en vue de garantir ce même objectif du maintien de l’ordre public.

    II. L’utilisation des caméras augmentées

      La loi du 19 mai 2023[4] relative aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 contient des dispositions visant à mieux garantir la sécurité. Il est notamment question d’un système de vidéoprotection, qui complète le dispositif du laissez-passer.

      A titre expérimental, des images captées par des caméras fixes et des drones pourront faire l’objet d’un traitement algorithmique de sorte que des évènements prédéterminés puissent être détectés en temps réel. Ces caméras augmentées se distinguent des caméras de surveillance classiques en ce qu’elles reconnaissent les personnes en analysant leur âge, leur sexe, leur taille, etc. Ces caméras intelligentes sont donc en mesure de repérer un mouvement de foule ou de cibler une personne grâce à ses données biométriques.

      La CNIL met en garde contre le risque de collecte massive de données personnelles d’un tel dispositif. Elle considère que « le déploiement, même expérimental, de ces dispositifs constitue un tournant qui va contribuer à définir le rôle général qui sera attribué à ces technologies, et plus généralement à l’intelligence artificielle« .

      La CNIL approuve néanmoins cette loi en ce qu’elle prévoit :

      • un déploiement expérimental ;
      • une limitation spatio-temporelle du dispositif dans le temps ;
      • une mise en place justifiée par des risques graves pour les personnes ;
      • l’absence d’un système de reconnaissance faciale et d’un traitement de données biométriques ;
      • l’analyse par des agents de police et de gendarmerie des signalements de situations potentiellement problématiques faits par les algorithmes ;
      • l’absence d’utilisation des données collectées à des fins de notation des personnes ;
      • l’impossibilité pour la puissance publique d’utiliser les caméras augmentées pour détecter et poursuivre des infractions.

      La CNIL recommandait en outre que « l’information devra être adaptée au caractère “sans contact” et novateur » des caméras augmentées. Le caractère « augmenté » devra être précisé sur les panneaux d’affichage d’un système de vidéoprotection.

      Ce régime d’autorisation exceptionnelle de mise en œuvre des caméras augmentées durera jusqu’au 31 mars 2025. Le Gouvernement doit, au plus tard le 31 décembre 2024, présenter au Parlement un rapport sur le bilan d’expérimentation, ce qui laisse présager une pérennisation du dispositif en cas d’essai concluant.

      Face à ce risque de surveillance de masse, le Conseil constitutionnel a fait l’objet d’une saisine. La loi du 19 mai 2023 a été jugée conforme à l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public[5].

      Enfin, ce dispositif peut être soumis au contrôle du juge administratif au moyen d’un référé-liberté. Cette procédure, qui peut être initiée par tout intéressé, nécessite de justifier l’urgence de mettre un terme à une atteinte portée à une liberté, qui s’avère grave et manifestement illégale. Le recours au référé-liberté s’est déjà révélé efficace à propos de l’utilisation d’un logiciel d’analyse pour images de surveillance en complément d’un système de vidéosurveillance[6]. Le Conseil d’Etat a également statué en faveur d’un usage limité et encadré du système de vidéosurveillance augmentée[7].


      [1] arrêté du 3 mai 2024 modifiant l’arrêté du 2 mai 2011 relatif aux traitements automatisés de données à caractère personnel dénommés « fichiers des résidents de zones de sécurité » créées à l’occasion d’un évènement majeur : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGIARTI000049510642/2024-05-08/ https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000023941314

      [2] loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000035932811/

      [3] délibération n° 2024-034 du 25 avril 2024 : https://www.legifrance.gouv.fr/cnil/id/CNILTEXT000049512612

      [4] loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047561974, modifiant la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000036742943

      [5] Conseil constitutionnel, décision n° 2023-850 DC du 17 mai 2023 : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/2023850DC.htm

      [6] TA Caen, 22 novembre 2023, n° 2303004 et 2303012 : https://caen.tribunal-administratif.fr/decisions-de-justice/dernieres-decisions/le-tribunal-administratif-enjoint-la-communaute-de-communes-coeur-cote-fleurie-de-cesser-de-surveiller-l-espace-public-au-moyen-de-cameras-intellig

      [7] CE, ord., 21 décembre 2023, n° 489990 : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000048659389

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